Pluto – Un seinen palpitant par Naoki Urasawa et Osamu Tezuka
Titre : | Pluto |
Auteur : | Naoki Urasawa Osamu Tezuka |
Genre : | Seinen |
Année : | 2009 |
Editeur Jap : | Shogakukan |
Editeur Fçais : | Kana |
Nbre volumes : | 8 |
Etat de la série : | Série en cours (Fce), terminée (Jap) |
Peu de mangas sont susceptibles de toucher un large public malgré la barrière des genres, Pluto apparaît comme une de ces rares exceptions. Il faut dire que ce seinen hors du commun – et le terme n’est pas exagéré – s’inspire très largement d’un des classiques du manga : Astro Boy, le robot le plus fort du monde d’Osamu Tezuka. Dans les années 50, ce visionnaire1 à l’origine de l’essor du manga, a su influencer et susciter la vocation de nombreux mangakas comme Naoki Urasawa, connu du public grâce à Monster2 notamment. Cette adaptation palpitante met en scène un personnage secondaire de l’histoire originale. À la fois novateur et fidèle, Pluto 3 permet à Urasawa de rendre hommage à Tezuka tout en imposant son style.
L’action de Pluto se déroule dans le nord de l’Europe, dans un décor futuriste s’inspirant de celui d’Astro Boy et de Métropolis, même si l’emprunte graphique d’Urasawa diffère. Les humains et les robots coexistent dans un monde où l’intelligence artificielle occupe une place prépondérante. L’inspecteur Gésicht, un agent robot d’Europol très perspicace, doit résoudre une affaire de meurtres dont les victimes sont de puissantes machines. Ce dernier mène l’enquête en sachant que sa propre existence est menacée.
Au delà de cette enquête policière des plus captivantes, Pluto se veut porteur d’un message de paix et d’égalité – une des composantes de l’œuvre de Tezuka. « Vous êtes un robot vous ne pouvez pas comprendre. » : l’essentiel de l’intrigue réside dans cette phrase. En effet malgré la technologie dont ils bénéficient, les robots ne sont pas considérés comme les égaux des êtres humains et tentent de trouver leur place. Pourtant au contact de ces derniers, leurs comportements s’affinent et se confondent : certaines machines seraient capables de rêver, ou dotées d’une conscience. La détresse de ces personnages, ne parvenant pas à s’insérer au sein d’une société qui les utilisent, suscitent l’émotion du lecteur. Le personnage de North 2, représentatif de cette injustice, tente d’échapper à son passé de guerrier en entrant au service d’un vieux musicien de génie. Aigri et cruel, le vieillard refuse de le comprendre en le traitant comme une vulgaire machine, mais avant que North 2 soit tué à son tour ces deux protagonistes réussissent à tisser un lien, en surmontant leurs différences. Cette quête d’humanité recherchée par l’intelligence artificielle a souvent donné lieu à la création d’œuvres fictionnelles – A. I. de Spielberg, ou bien Wall E des studios Disney n’ont fait qu’adapter un mythe très ancien dont l’essence remonte aux contes du XIXe siècle, dans Pinocchio notamment – mais toutes ont une même vocation : critiquer l’exclusion sociale.
Pluto ne fait que confirmer le talent et la maîtrise de Naoki Urasawa. À l’image du design de Monster, il n’est pas exagéré de dire que le graphisme de ce seinen frôle l’excellence, l’aspect le plus révélateur est certainement la perfection avec laquelle les émotions des visages sont retranscrites. Quant au décor, on apprécie le réalisme des paysages et la retranscription des détails exempts de tout superflu.
Cette enquête macabre transporte incontestablement le lecteur au sein d’un univers à la fois inquiétant et surréaliste où le suspense occupe une place de choix. Nul doute que Pluto est en passe de devenir une œuvre incontournable comme son prédécesseur Astro Boy. Un manga à ne pas manquer !
Pluto tome 1, scénario et dessins de Naoki Urasawa, adaptés de l’œuvre Astro Boy d’Osamu Tezuka, paru le 19 février 2010. Tome 2 paru le même jour, tome 3 le 02 avril 2010
Éditions Kana
Crédit photographique : Urasawa, Tezuka
1. Osamu Tezuka a été sacré « Dieu du manga » au Japon
2. Monster, série en dix huit tomes, ayant reçu le grand prix culturel Osamu Tezuka en 1999.
3. Pluto a obtenu le grand prix culturel Osamu Tezuka en 2005
Critique initialement parue sur Interlignage.